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La mort de Jacques Boudet, acteur familier de Robert Guédiguian

Quelle est la noblesse d’un comédien de seconds rôles ? Celle, peut-être, de s’effacer derrière ses personnages, et de finir, à force, par ressembler à quelqu’un que tout le monde connaît sans pour autant parvenir à l’identifier. Jacques Boudet était de ceux-là. Avec sa haute taille, son visage plongeant, sa grosse voix roucoulante, il se situait dans une zone de familiarité rassemblant sympathiques patriarches, hommes de métier et hauts dignitaires.
Originaire du Sud, capable de jouer « avé l’assent » ou sans, il était en partie attaché à l’imaginaire régional. En l’occurrence, à deux visages (on ne peut plus aux antipodes) de la ville de Marseille : le premier lié au cinéma de Robert Guédiguian, le second au feuilleton Plus belle la vie, dont il était une figure récurrente. L’acteur est mort dans la nuit du 14 au 15 juillet, à son domicile, dans l’Hérault, comme l’a annoncé son agente, Pierrette Panou.
Jacques Boudet est né le 15 avril 1935 à Montpellier. Après le tremplin du théâtre universitaire, il commence sur les planches au début des années 1960. Il participe alors à l’aventure de la décentralisation théâtrale, notamment aux côtés de Jean-Marie Serreau (1915-1973), sous la direction duquel il joue Une tempête (1969), d’Aimé Césaire, Béatrice du Congo (1971), d’après Bernard Dadié, qui le propulse pour la première fois au Festival d’Avignon, puis Le Printemps des bonnets rouges (1972), de Paol Keineg.
En 1980, il se forge un nom en jouant, en duo avec Danièle Lebrun, Exercices de style, de Raymond Queneau, drolatique jonglerie langagière montée par Jacques Seiler (1928-2004) et maintes fois reprise jusqu’au mitan des années 1990. Il servira également les textes d’Edward Bond pour Patrice Chéreau (1944-2013), de Shakespeare pour Benno Besson (1922-2006), de Harold Pinter pour Jean-Michel Ribes, de Thomas Bernhard pour Robert Cantarella, et jouera L’Avare dans une mise en scène de Roger Planchon (1931-2009) en 1986.
Peu après ses débuts au théâtre, Jacques Boudet oscille avec une carrière parallèle au cinéma, où il enchaîne une foule de petits rôles hauts en couleur. On le retrouve en duc de Guermantes dans la coproduction franco-allemande Un amour de Swann (1984), adaptation par Volker Schlöndorff du roman de Marcel Proust, en sénateur trouble, clone d’un Charles Pasqua, dans L’Ivresse du pouvoir (2006), de Claude Chabrol, ou passant une tête parmi la galaxie de trognes d’un Jean-Pierre Mocky (Agent trouble, 1987).
Il prête sa « bonne pâte » aux films de Bertrand Blier (Merci la vie, 1991), de Bertrand Tavernier (L.627, 1992 ; Laissez-passer, 2002), de Claude Lelouch (Tout ça… pour ça !, 1993 ; Les Misérables, 1995) ou d’Etienne Chatiliez (Tanguy, 2001 ; La confiance règne, 2004). Michel Boujenah s’amuse dans Père et fils (2003) de sa ressemblance avec Philippe Noiret, avec lequel on l’a parfois confondu, en lui confiant le rôle de son frère.
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